Hué : un musée des céramiques blotti dans une maison-jardin mandarinale
- Olivier THIBAUD

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(par Olivier THIBAUD, envoyé spécial texte et photos à Hué – Vietnam)
Philosophe et passionnée d’art, Thai Kim Lan perpétue l'âme singulière de cette ville qui fut la capitale impériale du Vietnam de 1802 à 1945.

Thai Kim Lan est partie faire ses études en Allemagne en 1965, elle a soutenu avec succès sa thèse de doctorat en philosophie.
Elle a été invitée à enseigner cette spécialité à l’Université Ludwig Maximilian de Munich (Allemagne) durant une trentaine d’années.
Enseignante de philosophie talentueuse au pays de grands philosophes célèbres, c’est une spécialiste reconnue d’Emmanuel Kant, Friedrich Hegel, Ludwig Feuerbach...
En outre, elle a donné des cours d’agrégation en philosophie à l’institut de bouddhisme de Hué.

Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement est que Thai Kim Lan est propriétaire de « Lan vien co tich » (« Jardin de conte de fées ») et du musée des céramiques de la rivière Huong (rivière des Parfums), situés non loin de la Cité Impériale de Hué au Vietnam.

L'entrée du 20 Nguyễn Phúc Nguyên, quartier Hương Long à Huế
Plantons le décor.
La rivière des Parfums (en vietnamien « Sông Hương ») est un fleuve côtier du Viêt Nam, long d'une trentaine de kilomètres qui traverse Hué avant de se jeter en mer de Chine méridionale dans la lagune de Tam Giang.
Elle fut ainsi nommée car en automne, les fleurs des arbres fruitiers qui tombent dans la rivière embaument ensuite la ville de Hué.

Une maison-jardin mandarinale de conte de fées
Mais venons en à la demeure de Thai Kim Lan, une « Nhà Vuon », c’est à dire une maison-jardin.
Ni temple ni mausolée, le bâtiment, de plain-pied, n’est autre qu’une très ancienne habitation privée, délicatement posée dans un écrin de nature.
C’est le trésor caché des habitants, une merveille architecturale qu’on ne trouve qu'ici.
Le style de construction est souvent le même.
Un plan d’ensemble rectangulaire.
Un intérieur où charpente et cloisons sont en bois, assemblés sans clou, tout en tenons et mortaises.
Un jardin qui débute par une allée dessinant en son milieu un coude pour, dit-on, mieux égarer le diable.
Puis, le regard se heurte à un mur-écran, un parapet sculpté d’un mètre de haut pour deux ou trois de large, servant à protéger l’intimité de la maisonnée mais surtout à décourager les mauvais esprits; ces derniers, poussés par les vents, buteraient sur l’obstacle avant d'échouer dans le bassin de la cour centrale.
Étrangement, ces raretés au charme discret échappent à la majorité des touristes, alors qu'elles disent tout ou presque de l’âme singulière de cette ville qui fut la capitale impériale du Vietnam entre 1802 et 1945.
En effet, sur la rive nord de la rivière des Parfums, la vaste citadelle d’une superficie de 500 hectares (pour 72 hectares à la cité impériale de Pékin) vit se succéder treize empereurs de la dynastie Nguyen de 1802 à 1945.

Un reflet des fastes de la cour impériale
C'est là, autour de l’enceinte royale et dans quelques hameaux périphériques, que l'on trouve encore ces belles demeures au charme suranné, héritage d’une cour pléthorique de mandarins, de concubines et d’intellectuels.
Ces constructions n'étaient pas des palais colossaux mais se voulaient le reflet de la puissance impériale :
plus on était proche du pouvoir, plus les raffinements étaient importants !
En 1945, la chute du dernier souverain, Bao Dai, Hué comptait un bon millier de maison-jardins.
La plupart disparurent sous les bombardements pendant la guerre; d'autres furent abandonnées lors des purges menées par le régime de Hanoï après 1975, qui entraînèrent un exil massif de la classe aristocratique.
Enfin et plus récemment, certaines furent victimes de l’urbanisation galopante.
Selon un recensement récent, à peine 150 propriétés ont conservé leur plan d’origine.
Mais nombre d’entre elles sont en ruines.
Cependant, à l’abri des regards quelques familles continuent d’habiter ces demeures et de les entretenir tant bien que mal pour les préserver de l’oubli autant que pour honorer les aïeux qui les édifièrent.

Le seul musée exposant des céramiques trouvées dans une même rivière
Concernant la maison de Thai Kim Lan, c’est le seul musée privé au Vietnam exposant des céramiques trouvées dans une seule rivière.
Le musée conserve une collection de près de 5.000 rares pièces de céramique de la culture de Sa Huynh, repêchées dans la rivière des Parfums dont plusieurs vieilles de 2.500 à 3.000 ans.
Le musée est à l'initiative de feu le peintre Thai Nguyên Ba et de Thai Kim Lan après une quarantaine d'années de collecte de céramiques dans la rivière Huong.
Ce musée privé est considéré comme une école de l’histoire et de la culture vietnamiennes qui contribuera à transmettre des connaissances aux générations futures.
D’une superficie de 7.000 m², le musée conserve plus de 5.000 objets datés de plusieurs siècles dont des céramiques des cultures Cham, Sa Huynh, de la préhistoire, de la dynastie des Le So (1428-1527)….
On y trouve des objets d'usage quotidien tels que pots à bétel, vases, bols, pots à chaux… faits de différentes matières telles que terre cuite, céramique ou céramique émaillée.
« Lan viên cố tích », plus qu’un musée, constitue un rendez-vous culturel où sa propriétaire accueille et partage des histoires et idées sur la culture traditionnelle avec des amoureux de Huê.
En savoir plus
Situé à côté de la rivière du Parfum et de la pagode Thiên Mu (Pagode de la Dame céleste), le musée des anciennes céramiques est facile à trouver.
120 Nguyễn Phúc Nguyên, quartier Hương Long, Huế, Thành phố Huế 530000, Vietnam
Prix du ticket : 120.000 dongs/ par personne
Huéen, élèves, étudiants : 60.000 dongs/ par personne
Enfant de moins de 10 ans : gratuit
Horaire d’ouverture : Le lundi et le samedi : de 8h00 à 17h00
Pour d’autres jours de la semaine, les visiteurs peuvent contacter la propriétaire via l’adresse e-mail :

L'érection du bambou de 7 mètres de hauteur
Thai Kim Lan organise la cérémonie de l'érection de l’arbre nêu à l’occasion du Têt traditionnel selon les rites huéens dans son jardin "Lan viên co tich".

Le moine bouddhiste trace les lettres sur le parchemin rouge
L’érection du « Cây Nêu », ancien rite populaire du Vietnamien.
Selon la coutume, il s’agit d’une longue perche, de cinq à sept mètres, d’un bambou précis, le phyllostachys (Parashorea chinensis), ou gô chò en Vietnamien, au sommet duquel on fixe et un oriflamme en parchemin rouge.
Le bambou symbolise la vitalité, la souplesse et la résistance.
Cette perche est érigée devant les maisons, les temples, les palais et les pagodes pendant le Têt afin d’écarter les démons et les fantômes :
en effet, selon la croyance populaire traditionnelle des Vietnamiens, il délimite la frontière entre le monde des vivants et celui des démons.

Recueillement

Thai Kim Lan : trois générations !




















































































































































