Bao Daï : Le Dernier Empereur du Vietnam
- Olivier THIBAUD
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(par Olivier THIBAUD)
Bao Daï : Le Dernier Empereur du Vietnam
Dans les annales mouvementées de l'histoire coloniale et post-coloniale, rares sont les figures aussi complexes et mal comprises que Bao Daï, le treizième et dernier empereur du Vietnam.
Longtemps dépeint par la presse occidentale comme un monarque dilettante, plus préoccupé par les voitures de sport et les courtisanes que par le destin de son peuple, le livre de Daniel Grandclément, « Bao Daï : Le Dernier Empereur du Vietnam », vient enfin tordre le cou à cette caricature réductrice.
Ce portrait magistral, nourri de sources familiales inédites et d'une plume fluide, réhabilite un homme qui, loin d'être un simple jouisseur, se révèle avoir été un stratège acharné, œuvrant inlassablement pour l'indépendance de son pays.

Le prince héritier Vinh Thuy - futur empereur Bao Daï
Né en 1913 et intronisé empereur à l’âge de 13 ans, Bao Daï a régné sous le joug de la colonisation française, sa souveraineté n'étant alors que symbolique.
Mais l'ouvrage de Grandclément nous plonge dans les coulisses de ce pouvoir fantoche, révélant un esprit vif et calculateur, capable de naviguer les eaux troubles de la politique internationale avec une agilité déconcertante.
Loin d'être un simple pantin, Bao Daï a su jouer de toutes les cartes à sa disposition, se rapprochant tour à tour des Français, des Japonais, et même, un temps, d'Hô Chi Minh.
Cette versatilité, souvent perçue comme un signe d'opportunisme, est ici réinterprétée comme la marque d'un pragmatisme sans faille, guidé par un unique objectif :
libérer le Vietnam de l'emprise étrangère.

Le prince héritier Vinh Thuy - futur empereur Bao Daï – (debout, à gauche) lorsqu'il étudiait encore en France et la famille de son parrain Jean Eugène Charles., et le prince Vinh Can (à droite)
L'épisode de son abdication en 1945, face à la montée du Việt Minh dans le chaos de l'Indochine française, est un moment clé de cette saga.
Loin d'être une simple démission, Grandclément nous invite à y voir un acte contraint mais stratégique, une manière de conserver une influence, même en tant que « conseiller suprême » auprès des indépendantistes.
Son retour au pouvoir en 1949, cette fois-ci en tant que Chef de l'État sous protection française, illustre encore cette capacité à se réinventer, à s'adapter aux vents changeants de l'histoire.

L'empereur Khai Dinh et son fils unique âgé de neuf ans, le prince héritier Vinh Thuy (futur empereur Bao Daï), en visite officielle à Paris (1922)
(à gauche le président du conseil des ministres Barthou)
Mais le destin de Bao Daï était précaire !
Renversé en 1955 par son Premier ministre Ngô Đình Diệm, il terminera ses jours en exil à Paris, loin de la terre qu'il a tant cherché à libérer.

La sépulture de l'empereur Bao Daï au cimetière de Passy, Paris 16e
Cette biographie exhaustive de Daniel Grandclément, portée par une connaissance intime du sujet grâce à ses liens avec le dernier fils de l'empereur, est une véritable bouffée d'air frais.
Elle offre une perspective nuancée et profondément humaine sur un personnage historique dont l'héritage a été trop longtemps déformé.
« Bao Daï : Le Dernier Empereur du Vietnam » n'est pas seulement une biographie, c'est une exploration fascinante des dilemmes d'un dirigeant tiraillé entre tradition et modernité, entre souveraineté et indépendance.
C'est, sans conteste, un ouvrage de référence, un futur classique qui s'impose comme une lecture indispensable pour quiconque souhaite comprendre les complexités de l'histoire du Vietnam et, au-delà, les défis des nations post-coloniales.
Bao Dai: Le dernier empereur du Viêtnam
par Grandclément
Editions Perrin
384 pages