Regards croisés sur la cour impériale de Hué au Vietnam : une fascination réciproque
- Olivier THIBAUD

- 27 avr.
- 3 min de lecture

(par Oivier THIBAUD)
Le musée du Quai Branly – Jacques Chirac présente jusqu’au lundi 30 juin 2025 de passionnants documents relatifs a la cour impériale de Hué au Vietnam.
Hué, capitale impériale de la dynastie des Nguyen (1802-1945), était le centre du pouvoir du Đai Nam, territoire correspondant à l’actuel Vietnam.
Lors de la conquête de la péninsule indochinoise par les Français, le traité de Hué place en 1883 l’empire du Đai Nam, renommé alors Annam, sous l’administration indirecte de la France.

La monarchie est en apparence maintenue.
L’empereur et son entourage fascinent les Français.
Peintures, photographies, cartes postales et illustrations publicitaires :
la cour et les rituels impériaux de Hué sont représentés sous diverses formes.
Ces images circulent largement, tant dans la métropole que dans la colonie.
C’est un paradoxe :
tandis que l’apparat monarchique est mis en valeur, la monarchie elle-même est progressivement dépossédée de toute autorité.
Les concours mandarinaux, piliers de l’administration impériale, sont supprimés en 1919.
Le pouvoir politique est transféré au Résident supérieur d’Annam en 1925.

Cette présentation rassemble des œuvres de la collection du musée, exécutées par des artistes français et vietnamiens à la fin du XIXème siècle et dans le premier tiers du XXème siècle.
Plutôt que de les opposer, elle interroge le contexte colonial de leur production.
Chez les artistes ou commanditaires français, il est difficile de démêler fascination pour l’apparat monarchique, appréciation culturelle, goût du pittoresque, souci documentaire et visée propagandiste.

L'empereur Bao Dai quitte la Cité impériale à bord de la chaise à porteur du couronnement (un cadeau du roi Louis XVI)
Les artistes vietnamiens qui œuvrent dans le cadre de commandes répondent aux attentes du colonisateur, sans toutefois s’y soumettre totalement.
En investissant ces commandes, ils élaborent des formes hybrides qui traduisent une vision propre.
Ils réinterprètent leur culture à travers de nouveaux codes et usages, souvent en dialogue subtil avec les attentes coloniales, voire en les subvertissant.

L’ensemble des œuvres présentées ici témoigne ainsi d’interactions complexes.
Elles constituent une nouvelle culture visuelle, à la fois reflet d’un contexte de domination et espace de négociation.

Plan de la citadelle de Hué, levé par les élèves-géomètres de l’École professionnelle de Hué en 1919

Défilé du Nam Giao (Fin XIXème siècle– premier tiers du XXème siècle - Crayon, encre de Chine et aquarelle sur papier)
Le 12ème jour du 5ème mois en Chine et au Viêt Nam, on procédait au rite du tracé du premier sillon.
Appelée Nam Giao (cérémonie de sacrifices au Ciel et à la Terre), il s'agissait d'une des plus grandes cérémonies rituelles de la dynastie des Nguyên, destinée à rendre hommage au Ciel et à prier pour la paix, le bonheur et des récoltes fructueuses dans le pays.
Jusqu’en 1945, le rite était célébré à Huê, au temple du Ciel.
La cérémonie comprenait un sacrifice rituel, des chants et des danses.
En 1890, pour des raisons financières, cette célébration est devenue triennale.
Le temple avait été construit en 1806, sous Gia Long, près de la rivière, au cœur d’une forêt de pins.
Mais comme il se devait d’être placé en haut d’une colline, il s’élevait sur un terre-plein carré, fait de 3 étages successifs.
L’ensemble a été bâti sur le modèle du temple du Ciel de Pékin.
Au centre, on trouvait un tertre circulaire, lui-même fait de 3 cercles concentriques correspondant à 3 enceintes superposées.
On y accédait par 4 escaliers orientés face aux 4 points cardinaux.
L’entrée principale était celle du sud, comme dans presque tous les édifices de style chinois.
Le temple, qui fit également office de monument aux morts (le nouveau régime a de la sorte récupéré ce haut lieu de la légitimité impériale), a fait l’objet d’une restauration récente que d'aucuns jugent peu réussie.
De nos jours, la cérémonie du Nam Giao, dans une version simplifiée, est reconstituée lors du Festival de Huê (tous les deux ans depuis 1992).

Le Festival de Huê










































