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Musée du Quai Branly : Zombis, les « non-morts » du vaudou haïtien


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Veillée vaudou dans un péristyle

(par Olivier THIBAUD)


D’après la tradition et dans leur acception « classique », les zombis sont des individus qui seraient jugés par des sociétés secrètes du vaudou haïtien car ils persisteraient à commettre des méfaits (assassinats, meurtres, vols, viols, captations d’héritages).


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Ainsi, jusqu’au 16 février 2025 le Musée du quai Branly – Jacques Chirac à Paris, l’exposition « Zombis la mort n’est pas une fin ? » propose-t-elle de lever le voile sur la zombification rattachée à la religion vaudou haïtienne au cours de laquelle un individu ayant commis un méfait serait jugé, condamné, drogué, enterré vivant, exhumé puis exilé et transformé en esclave sous la garde d’un maître (bokor).



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Philippe Charlier : une présentation passionnante des Zombis


Une exposition passionnante due au commissariat du professeur Philippe Charlier (1) ,médecin légiste et anthropologue, vice-président de l’Université Paris-Saclay, assisté d’Erol Josué, artiste et prêtre vaudou, et de Lilas Desquiron (3), ancienne ministre de la Culture d’Haïti.


Zombi, mode d’emploi


La justice des hommes (tribunaux ordinaires) s’avérant impuissante, face aux risques pour la communauté des vivants, ces individus seraient convoqués sept fois de suite devant des tribunaux mystiques de sociétés secrètes (Champ’well, Cochon Gris, Cochon Marron et surtout Bizango), puis condamnés s’ils persévéraient dans leur conduite.

Après avoir été drogués et mis dans un état de mort apparente par l’usage de poisons d’origine végétale ou animale, les condamnés seraient enterrés vivants et conscients puis exhumés la nuit suivante ; ils seraient ensuite transportés de l’autre côté de l’île et transformés en esclave au service d’un maître (le bokor).


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Erol Josué : donner de Haïti une meilleure image que celle offerte par l'actualité


La zombification est ainsi considérée comme une peine pire que la mort.


D’autres types de zombis dits « criminels » deviendraient zombis directement, par l’entremise de sorciers, sans passer par un jugement.

Il faut aussi mentionner les zombis « psychiatriques », souffrant uniquement d’une pathologie médicale, ou encore les zombis « sociaux », pour lesquels la zombification est la métaphore d’une usurpation d’identité.


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Fétiche bizango (crâne humain)


Ainsi, la première partie de l’exposition présente les fondamentaux du vaudou haïtien :

ses codes généraux, l’organisation des dieux et du culte, les rituels autour des défunts et les divinités liées à la mort (Ioas), en particulier Baron Samedi et Grande Brigitte.

Une « armée de guerriers Bizango » (groupe d’une vingtaine de poupées « fétiches » de la société secrète Bizango participant au jugement de l’accusé), un temple vaudou grandeur nature, ainsi qu’un cimetière sont reconstitués.


Les racines des zombis


La pratique de la zombification à Haïti se situe à la convergence de trois phénomènes :

les religions d’Afrique sub-saharienne (et notamment les pratiques de sorcellerie visant à porter atteinte à distance à des victimes) ; les routes de l’esclavage sur lesquelles se sont rencontrées croyances et cultures de trois continents ; et la maîtrise des poisons et des substances stupéfiantes par les populations autochtones de l’arc de la Caraïbe (Arawak, Taïnos, Caraïbes).


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Cimetière haïtien


En République démocratique du Congo, l’étymologie du mot zombi correspond au fantôme d’un enfant mort.

De nombreuses religions d’Afrique sub-saharienne considèrent les âmes errantes et les corps morts comme des réalités.

Ces entités surnaturelles, et les pratiques qui leur sont liées, sont évoquées dans la deuxième partie de l’exposition.


La troisième partie évoque enfin la mondialisation du phénomène des zombis


C’est en 1690 qu’apparaît la première occurrence du mot zombi dans la littérature européenne avec Le zombi du grand Pérou ou la Comtesse de Cocagne de Pierre Corneille de Blessebois.

Cette figure sera pourtant rapidement supplantée par des entités plus proches du monde occidental (vampires, fantômes), avant d’être redécouverte et réinvestie par les ethnologues, notamment au début du 20ème siècle, lors de l’occupation américaine d’Haïti.

Rapidement, la culture populaire s’approprie la figure du zombi, loin de toute réalité anthropologique, pour en faire une figure effrayante, symbole de la mort contagieuse…


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Le zombi mondialisé échappe ainsi à la culture du vaudou haïtien comme le montrent des films (La nuit des morts vivant, 1968 ; World War Z, 2023), des séries (Walking Dead, 2010 ), des chansons (Thriller de Michael Jackson ; Zombie des Cranberries), des bandes-dessinées, des jeux vidéo et des manifestations comme les Zombie Walks…


« Ultime retour aux sources ou nouveau syncrétisme haïtien-états-unien ? », interroge le professeur Philippe Charlier .


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Deux zombis sous l'autorité d'un bokor


(1) Philippe Charlier, Vice-Doyen (culture et patrimoine), Directeur du Laboratoire Anthropologie, Archéologie, Biologie (LAAB), UFR Simone Veil - santé (UVSQ / Paris-Saclay), Montigny-Le-Bretonneux, France

(2) Erol Josué, Directeur Général du Bureau national d’ethnologie à Port-au-Prince en Haïti, artiste et prêtre vaudou

(3) Lilas Desquiron, Ethnologue et écrivaine haïtienne, ancienne ministre de la Culture d’Haïti


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Erol Josué,présente la robe de culte vaudou de sa mère


INFORMATIONS PRATIQUES


Du 8 octobre 2024 au 16 février 2025


Musée du quai Branly – Jacques Chirac

37 quai Branly

75007 Paris



HORAIRES D’OUVERTURE DU MUSÉE


Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 10h30 à 19h, et le jeudi jusqu’à 22h.


Ouverture exceptionnelle les lundis des vacances de Toussaint, Noël, Hiver et Printemps (toutes zones)



A lire :


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Zombis - a mort n'est pas une fin

Catalogue de l’exposition co-édité en français par le musée du quai Branly – Jacques Chirac et Gallimard

Sous la direction de Philippe Charlier

Préface de Dany Laferrière, membre de l’Académie française

216 pages, 17,5 × 27 cm

36€


Exposition à voir également pour aborder le vaudou :


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Révélation ! l’Art contemporain du Bénin à la Conciergerie de Paris




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Une femme mulâtre avec sa fille blanche visitée par des femmes noires dans leur maison en Martinique (Le Masurier, 1775)



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Toussaint Louverture (1743-1803), dirigeant de la révolution haïtienne


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Représentation de Bawon, ou Baron Samedi, lwa (ou esprit) des morts.

Le personnage central porte un costume de soirée et un chapeau haut de forme.

Il est au milieu d'un cimetière entouré de caveaux et de croix.

D'autres personnages, hommes et femmes l'accompagnent



 
 
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